HG&IC

BISMARCK ; SON OEUVRE

 Video très très brève de BISMARCK

 

Otto von Bismarck ne fait pas partie de ces figures de l’histoire pour lesquelles les Français éprouvent spontanément de la sympathie. Il y a de bonnes raisons à cela : la dépêche d’Ems, la défaite de 1871, la perte de l’Alsace-Lorraine. Encore longtemps après, ces traces demeurent dans la mémoire collective. Celle-ci tend à voir dans Bismarck l’incarnation du militarisme prussien, un père, sinon le père de l’impérialisme allemand.  Frédéric-Guillaume IV l’appelait le « réactionnaire rouge ». C’est aussi ce trait particulier que Lothar Gall, son plus récent biographe allemand, veut souligner quand, renversant les termes, il le décrit comme « un révolutionnaire blanc ». 

 

 I ) LES PREMIERES ARMES

 


Lorsqu’il entre en scène, en 1847, pour siéger à la Diète renforcée, convoquée par Frédéric-Guillaume IV, Bismarck est âgé de 32 ans. Encore taillé d’une pièce, il apparaît sous les traits du Junker ( propriétaire foncier) raidi dans la défense des intérêts de son milieu. Il affiche des idées ultra-conservatrices qui le conduisent, en bonne logique, à combattre, l’année suivante la Révolution. Indigné des concessions que le roi s’est laissé arracher, il participe à la fondation du parti conservateur prussien . D’ailleurs, en marge de son nom, Frédéric-Guillaume IV note cette remarque révélatrice : « à n’utiliser que lorsque les baïonnettes parleront en maître ». Il faut bien pourtant le récompenser de sa  fidélité à la Couronne. Après la Convention d’Olmütz, il est donc nommé, en 1851, représentant de la Prusse à la Diète de la Confédération germanique à Francfort, un poste diplomatique important où il va donner toute sa mesure et commencer d’évoluer. Jusqu’à présent, Bismarck voulait des politiques fondées sur les principes conservateurs. Cette même fidélité au conservatisme devrait le porter à se prononcer, dans les affaires allemandes, pour une entente avec l’Autriche qui, dans la continuité du Saint Empire, préside, depuis 1815, la Confédération germanique. C’est la position de ses amis conservateurs, maîtres à penser du parti. Ce n’est plus celle de Bismarck. Dans l’accomplissement de sa mission à Francfort, il ne tarde pas, en effet, à constater que les intérêts de l’Etat prussien s’opposent souvent à ceux de l’Autriche. Or, en cas de conflit, il est résolu à donner la préférence aux intérêts de la Prusse. Si l’Autriche devait donner son accord à l’établissement d’un ensemble austro-prussien sur l’Allemagne, Bismarck se satisferait de cette formule, mais tout en ne la considérant que comme une étape vers l’objectif final : l’organisation de l’Allemagne autour de la Prusse. Ce ne sont pas là que des discours théoriques. En deux occasions, Bismarck invite les dirigeants prussiens à profiter des circonstances pour porter un coup fatal à l’Autriche. Lorsque, durant la Guerre de Crimée, celle-ci se rapproche de la coalition franco-anglaise, il préconise de l’attaquer. Il n'est pas suivi. Bismarck récidive en 1859 face à la guerre qui oppose l’Autriche à la coalition franco-piémontaise. De nouveau, il propose que la Prusse ouvre un second front sur les arrières de l’Autriche et profite de l’occasion pour l’expulser d’Allemagne. Mais, de nouveau, les dirigeants prussiens refusent de le suivre. Champion d’une politique trop audacieuse, Bismarck est éloigné de Francfort. En guise de compensation, il est envoyé en qualité d’ambassadeur à Saint-Pétersbourg, où il restera de 1859 à 1862, avant d’être nommé à Paris, deux postes prestigieux où il noue des contacts précieux et prépare l’avenir.

 

II) LE PERE DE L’UNITE ALLEMANDE

 

Septembre 1862 marque le tournant décisif dans la vie de Bismarck. C’est alors, en effet, qu’il est appelé par Guillaume Ier, le nouveau roi de Prusse, à la tête du gouvernement, un poste qu’il gardera jusqu’en 1890. A la vérité, le recours à Bismarck représente, pour le souverain, la carte de la dernière chance dans le conflit qui l’oppose à la diète de Prusse, dominée par les libéraux, sur un projet de réforme militaire. Les choses sont allées si loin que, pour bloquer cette réforme, la diète a refusé de voter le budget. Face à cette crise, où le sort de la Prusse se joue peut-être, Bismarck reprend les habits du conservateur prêt à en découdre avec les libéraux. Puisque ceux-ci font barrage à la réforme voulue par le roi, il passera en force, ignorera la constitution, promulguera le budget et, avec lui, la loi militaire.  Certains taxeront Bismarck de « bonapartisme » pour se refuser à ses avances, mais la plupart choisiront de se rallier et, pour bien souligner le sens de leur démarche, se donneront le nom de « nationaux-libéraux ».

Le duel entre la Prusse et l’Autriche pour la suprématie en Allemagne est tranché, le 3 juillet 1866, à Sadowa, une date capitale dans l’histoire de l’Europe puisque cette bataille décide ensemble du sort de l’Allemagne et de l’Europe centrale. Il reste à donner une conclusion politique à cette guerre. C’est de nouveau le rôle de Bismarck. Sanction de sa défaite, l’Autriche est expulsée du corps germanique. Le traité de Prague met fin à plusieurs siècles de présence habsbourgeoise en Allemagne. A l’inverse, si la Prusse s’agrandit en Allemagne de plusieurs territoires (Hanovre - Hesse-Cassel - Francfort - Schleswig-Holstein), elle s’abstient de toute conquête sur l’Autriche. Voulue par Bismarck, contre l’avis du roi et des militaires, pour qui il ne peut y avoir de victoire sans annexion, cette magnanimité a un sens. Pour Bismarck, maintenant qu’elle est exclue d’Allemagne, le conflit avec l’Autriche est clos. Avec Sadowa, un pas important vers la constitution d’une Petite Allemagne sous direction prussienne vient donc d’être accompli. L’année suivante, une Confédération de l’Allemagne du nord est installée. Le roi de Prusse en est le président et son ministre-président le chancelier. Reste à faire entrer l’Allemagne du sud dans l’unité. Cet objectif risque de ne pouvoir être atteint sans une guerre avec la France. En 1866, Napoléon III avait donné son accord au plan de Bismarck à la condition qu’il ne franchît pas la ligne du Main séparant l’Allemagne du nord de l’Allemagne du sud. Dès lors qu’il en avait maintenant l’intention, la guerre devenait inévitable. Au surplus, une guerre avec la France aiderait à lever les résistances à la suprématie prussienne encore vives en Allemagne du sud, notamment au Wurtemberg et en Bavière. Voulue par les deux parties, la guerre éclate en juillet 1870. De nouveau, la Prusse, soutenue par ses alliés allemands, triomphe. Mais, cette fois, Bismarck ne montre pas la même magnanimité à l’égard du vaincu. Non qu’il ignore qu’une annexion de l’Alsace-Lorraine laisserait en France une volonté de revanche qui compromettrait pour longtemps les relations entre les deux pays. Mais cet argument pèse moins lourd que la volonté d’utiliser cette annexion comme un instrument au service de l’unité allemande. La décision d’ériger l’Alsace-Lorraine en « terre d’Empire » (Reichsland) est claire à cet égard. Cette terre que les Allemands ont conquise ensemble, peut-être faudra-t-il que demain ils la défendent ensemble.

 

III ) LA PRUSSE, L’ALLEMAGNE ET LES ALLEMANDS

 

Avant même la signature du traité de Francfort, l’Empire allemand a, en effet, été proclamé, le 18 janvier 1871, dans la Galerie des Glaces du château de Versailles.L’Empire allemand est fondamentalement une création prussienne. Sa fondation est l’aboutissement d’une volonté politique prussienne et le fruit de victoires prussiennes remportées d’abord sur l’Autriche, puis sur la France. Bismarck a veillé à ancrer la suprématie de la Prusse dans la Constitution impériale. Sur le modèle prussien, celle-ci met en place un système de monarchie constitutionnelle, mais non parlementaire, dans lequel le Chancelier n’est responsable que devant l’Empereur, lui-même étant nécessairement le roi de Prusse.Ce matin du 18 janvier 1871,l'empereur a cette phrase lourde de sens : « Aujourd’hui nous portons en terre la vieille Prusse ! ». Or, d’une certaine manière, ce propos est annonciateur de l’avenir : dans l'esprit des allemands la Prusse s'efface derrière le Reich.  .  En fondant l’unité allemande, Bismarck a fait acte de révolutionnaire . Il n’a pas seulement modifié la carte et l’organisation politique de l’Allemagne, il a également bouleversé l’équilibre politique de l’Europe. Avec l’unification de l’Allemagne, l’Europe du traité de Westphalie est morte. Bismarck se fixe désormais pour priorité d’isoler la France d’où peut venir la principale menace. Après l’avoir exercé durant vingt-huit ans, Bismarck quitte le pouvoir en 1890. Autant que des désaccords politiques, la volonté du jeune Guillaume II, monté sur le trône deux ans plus tôt, d’être le seul maître est à l’origine de ce départ. Bismarck a encore huit ans à vivre. L'évolution donnée ensuite ira à l'encontre de ce que voulait Bismarck.



19/01/2011
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 41 autres membres